Le texte « Usage d’opioïdes et troubles liés à l’usage d’opioïdes » a été tiré et adapté de Primary Care Addiction Toolkit, en 2023. Publié en ligne seulement.
Ordonnances de buprénorphine-naloxone
Les lignes directrices canadiennes recommandent la buprénorphine-naloxone en guise de traitement de première intention pour un trouble lié à l’usage d’opioïdes, car son profil d’innocuité est meilleur que celui de la méthadone (Centre de toxicomanie et de santé mentale [CAMH], 2021; Initiative canadienne de recherche sur l’abus de substances [ICRAS], 2018).
Il n’existe aucune restriction concernant les ordonnances de buprénorphine-naloxone, mais les médecins sont censés suivre la formation requise pour prescrire des traitements par agonistes opioïdes (TAO). La monographie la plus récente (Association des pharmaciens du Canada, 2021) indique que ce médicament doit être prescrit uniquement par des médecins qui possèdent de l’expérience à cet égard pour traiter un trouble lié à l’usage d’opioïdes et qui ont suivi un programme de formation reconnu.
Mode d’action de la buprénorphine-naloxone
La buprénorphine-naloxone est un comprimé sublingual qui contient de la buprénorphine et de la naloxone dans un rapport de 4:1. La buprénorphine est un agoniste partiel des récepteurs opioïdes mu d’une demi-vie moyenne de 37 heures (de 24 à 69 heures). En tant qu’agoniste opioïde, elle a un effet maximal au-delà duquel elle perd son efficacité relative à des doses quotidiennes totales supérieures à 24 mg (American Society of Addiction Medicine [ASAM], 2020). Son effet de plafonnement comporte moins de risques de dépression respiratoire et de décès que celui des agonistes purs comme la méthadone (Auriacombe et al., 2004; Borron et al., 2002).
La buprénorphine a une grande affinité pour les récepteurs et se lie étroitement aux récepteurs opioïdes mu, ce qui empêche d’autres opioïdes de s’y lier. Elle se dissocie aussi lentement de ces récepteurs, ce qui lui confère un délai d’action lent et une longue durée d’action. D’un point de vue clinique, cela signifie que la buprénorphine ne provoque ni sédation ni euphorie à une dose appropriée et qu’elle soulage les symptômes de sevrage et diminue les envies impérieuses pendant 24 heures ou plus.
La buprénorphine orale est coformulée avec la naloxone, un antagoniste opioïde, pour atténuer le risque de détournement et d’usage à des fins non médicales. La naloxone n’est pas absorbée par voie sublinguale et ne peut donc exercer un effet antagoniste, mais elle peut provoquer des symptômes de sevrage si elle est injectée par des patients qui ont une dépendance physique aux opioïdes.
Au début du traitement, la buprénorphine-naloxone est remise tous les jours, sous la surveillance d’un pharmacien. Les patients peuvent recevoir des doses à emporter une fois qu’ils ont atteint une dose stable.
Sevrage précipité
Le sevrage précipité constitue le risque principal de l’induction de buprénorphine. La buprénorphine se lie plus étroitement que d’autres opioïdes aux récepteurs opioïdes mu. Si un patient ayant une dépendance physique aux opioïdes prend de la buprénorphine alors qu’il éprouve des symptômes de sevrage, il se sentira soulagé en raison de l’activité agoniste partielle. Cependant, si un patient ayant une dépendance physique prend de la buprénorphine alors que d’autres opioïdes sont liés aux récepteurs opioïdes, la buprénorphine déplacera les autres opioïdes et remplacera leur pleine activité agoniste par une activité agoniste partielle, ce qui déclenchera l’apparition rapide de symptômes de sevrage, connue sous le nom de sevrage précipité.
Stratégies d’induction de la buprénorphine-naloxone
Protocole d’induction standard
Il existe plusieurs stratégies pour diminuer le risque de sevrage précipité. Selon l’approche traditionnelle, le patient prend la première dose de buprénorphine uniquement lorsqu’il est en sevrage d’opioïdes modéré à sévère. Cela signifie attendre de 6 à 12 heures après la dernière dose d’opioïdes à action brève comme l’héroïne ou de 24 à 72 heures après la dernière dose d’opioïdes à action prolongée comme la méthadone ou le fentanyl (ASAM, 2020; CAMH, 2022).
Le sevrage peut être déterminé par une échelle normalisée telle que la Clinical Opiate Withdrawal Scale (COWS). Un score de 13 ou plus indique que le patient subit un sevrage important et qu’il est sécuritaire de lui donner la première dose de buprénorphine (ASAM, 2020). Le patient prend une dose initiale de 2 à 4 mg, puis est réévalué après une à trois heures et reçoit une dose supplémentaire au besoin (CAMH, 2021).
Microdosage de la buprénorphine
Les autres approches d’amorce d’un traitement par buprénorphine n’exigent pas que le patient soit en sevrage. Le microdosage consiste à prescrire de faibles doses de buprénorphine-naloxone et à en augmenter graduellement la dose pendant plusieurs jours pour atteindre la dose initiale. Cette approche se justifie du point de vue pharmacologique du fait que l’administration répétée de faibles doses de buprénorphine-naloxone permet à la buprénorophine de s’accumuler sur les récepteurs opioïdes et de remplacer graduellement les agonistes opioïdes purs, ce qui diminue ou empêche les symptômes de sevrage d’opioïdes. Le but consiste à abandonner l’agoniste opioïde pur une fois que la dose de buprénorphine a atteint de 4 à 12 mg.
Il n’existe aucun protocole standard de microdosage, mais la synthèse des lignes directrices de CAMH (2021) suggère deux approches :
- le microdosage, en commençant par 0,5 mg deux fois par jour, et en augmentant la dose jusqu’à un total de 12 mg par jour pendant 5 à 7 jours pour les patients qui ne peuvent tolérer l’importante période d’abstinence requise pour amorcer un traitement de buprénorphine-naloxone par induction traditionnelle;
- le microdosage rapide, qui consiste à administrer de 0,5 à 1 mg à de plus brefs intervalles, jusqu’à un maximum de 12 mg au cours d’une période de 24 heures.
Macrodosage de la buprénorphine
Une nouvelle stratégie a été adoptée pour l’induction, soit l’utilisation de doses de buprénorphine-naloxone supérieures aux doses standard dans certaines situations cliniques. L’explication pharmacologique justifiant cette approche est le fait que les doses plus élevées de buprénorphine pourraient faire effet plus longtemps et dépasser ainsi le stade du sevrage précipité en se liant rapidement à un nombre important de récepteurs opioïdes. Un tel protocole est particulièrement utile pour l’induction chez les patients auxquels on a administré de la naloxone pour contrecarrer une surdose d’opioïdes (CA Bridge Program, 2020).
Augmentation graduelle de la dose de buprénorphine-naloxone et détermination de la dose d’entretien
Les patients qui commencent un traitement par buprénorphine-naloxone pourraient avoir besoin d’une augmentation graduelle de leur dose jusqu’à ce qu’ils atteignent une dose quotidienne optimale. On suggère de procéder à une évaluation clinique à des intervalles de cinq à sept jours au cours de la phase d’augmentation graduelle de la dose. En raison de la longue demi-vie de la buprénorphine, il pourrait s’avérer nécessaire de donner une dose quotidienne pendant deux à trois semaines pour atteindre un taux sérique stable. Une fois que la dose quotidienne est stable, la fréquence des évaluations peut diminuer (CAMH, 2021).
Candidats pour la buprénorphine-naloxone
La buprénorphine-naloxone pourrait s’avérer le meilleur TAO pour les patients qui :
- trouvent inacceptables les restrictions relatives à la méthadone à emporter en raison de leurs engagements professionnels ou familiaux, ou faute d’un moyen de transport;
- ont des contre-indications médicales à la méthadone (p. ex. le patient présente une affection ou prend des médicaments en lien avec un intervalle QT prolongé; le patient prend des sédatifs tels que des benzodiazépines).
Formules de buprénorphine
Au Canada, il existe plusieurs formules de buprénorphine pour traiter un trouble lié à l’usage d’opioïdes (Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé, 2019). Les comprimés sublinguaux de buprénorphine-naloxone sont les plus courants. Il existe également de nouvelles formules :
- pellicule buccale de buprénorphine : accessible uniquement dans le cadre du Programme d’accès spécial de Santé Canada;
- injection sous-cutanée à libération prolongée (Sublocade).
Une autre formule à libération prolongée, soit le timbre sous-cutané, a été abandonnée en mai 2023 au Canada en raison des problèmes d’approvisionnement signalés par le fabricant (Pénuries de médicaments Canada, 2023).
Les patients qui prennent de la buprénorphine-naloxone peuvent la remplacer par une injection mensuelle, plus pratique pour favoriser l’observance.