Le texte « Usage d’opioïdes et troubles liés à l’usage d’opioïdes » a été tiré et adapté de Primary Care Addiction Toolkit, en 2023. Publié en ligne seulement.
Objectifs du dépistage de drogues dans l’urine
Les tests de dépistage de drogues dans l’urine peuvent aider à confirmer un diagnostic de trouble lié à l’usage d’opioïdes. Ils constituent également des outils thérapeutiques qui permettent de surveiller l’observance et la réponse au traitement par agonistes opioïdes (TAO) et de déceler un éventuel usage de substances illicites (Centre for Effective Practice, 2018b). Les tests de dépistage de drogues dans l’urine peuvent révéler des renseignements cliniques importants :
- L’absence d’un médicament d’ordonnance pourrait indiquer un détournement de médicaments ou la non-observance.
- La présence de drogues illicites indique leur ingestion et un éventuel problème d’usage de substances.
- La présence d’opioïdes non prescrits pourrait indiquer l’obtention d’ordonnances multiples ou l’usage d’opioïdes obtenus par détournement.
Les lignes directrices cliniques (Centre de toxicomanie et de santé mentale [CAMH], 2021) recommandent l’usage de tests de dépistage de drogues dans l’urine :
- lors de l’instauration du TAO;
- lors de l’ajustement posologique pendant la phase de stabilisation;
- en cas d’inquiétude concernant l’état d’un patient;
- à la demande du patient.
Expliquez au patient que le test de dépistage de drogues dans l’urine ne constitue pas un outil punitif, mais qu’il peut fournir de l’information qui aidera à évaluer et à gérer les risques, à orienter les décisions thérapeutiques et à surveiller ses progrès. Discutez des résultats obtenus avec le patient, notamment des explications possibles si ces résultats diffèrent des renseignements qu’il a fournis.
Envisagez la possibilité d’effectuer régulièrement un test de dépistage de drogues dans l’urine auprès de tous les patients soumis à un traitement par agonistes opioïdes (CAMH, 2021). La fréquence des tests dépend de l’étape du traitement et de la stabilité de l’état du patient. Dans certains cas, il peut également s’avérer utile d’effectuer un test de dépistage aléatoire.
Types de tests de dépistage de drogues dans l’urine
Deux types de tests de dépistage de drogues dans l’urine sont utilisés à des fins cliniques :
Immunoessai – Ce test révèle la présence de substances dans l’urine en fonction d’un seuil de détection, ce qui signifie que le résultat obtenu est positif si une drogue ou son métabolite se trouve en quantité suffisante dans l’urine pour réagir avec un seuil prédéterminé d’anticorps. Les immunoessais sont souvent effectués en vue d’évaluation initiale au point de service. Ils ne permettent pas de différencier les opioïdes, sauf l’oxycodone et le fentanyl, pour lesquels il existe des tests distincts. Souvent, les immunoessais ne permettent pas de dépister les opioïdes synthétiques ou semi-synthétiques (p. ex. l’oxycodone, la méthadone, le fentanyl).
Chromatographie – Ce test est plus sensible et plus précis que l’immunoessai. Il confirme les résultats des immunoessais et peut déceler davantage de substances. Il sépare et identifie les composantes de substances. Il peut différencier les opioïdes (p. ex. la codéine, la morphine, la méthadone) et est également plus précis pour les opioïdes synthétiques et semi-synthétiques.
Fenêtre de détection des différentes classes de drogues
Par « fenêtre de détection », on entend l’intervalle au cours duquel une substance donnée peut être détectée dans un échantillon d’urine. La fenêtre de détection d’une drogue dépend de plusieurs facteurs, notamment de la demi-vie des drogues mères et de leurs métabolites, et de la lipophilie. Les fenêtres de détection habituelles sont énumérées ci-dessous (Selby et al., 2022). Il pourrait exister de légères variantes dans la littérature. Ces fenêtres peuvent être plus longues selon la quantité ingérée et la fréquence de l’usage (régulier ou occasionnel) :
- opiacés : 2 ou 3 jours;
- méthadone : 4 ou 5 jours;
- benzodiazépines : de 1 à 42 jours;
- cocaïne/métabolites : de 2 à 4 jours;
- usage ponctuel de THC : 2 ou 3 jours;
- usage régulier de THC : jusqu’à 12 semaines;
- méthamphétamine : de 3 à 5 jours;
- alcool : de 6 à 24 heures.
Préparation aux tests de dépistage de drogues dans l’urine
Avant d’effectuer un test de dépistage, demandez au patient de vous faire part en détail de son usage de médicaments au cours des heures et des jours précédents. Demandez-lui, par exemple, s’il a pris sa médication à base d’opioïdes le matin même et s’il a consommé récemment une substance illicite susceptible d’être dépistée par le test. Demandez-lui aussi à quand remonte la prise de son médicament avant le test parce que cela vous aidera à en interpréter les résultats.
Informez toujours les patients lorsque vous prélevez un échantillon d’urine en vue de faire un test de dépistage de drogues et obtenez leur consentement. Si vous avez conclu une entente de traitement, elle devrait inclure des tests de dépistage de drogues dans l’urine.
L’expérience clinique semble indiquer que les patients acceptent plus volontiers de se soumettre à des tests de dépistage de drogues dans l’urine si ces derniers font partie des soins courants plutôt que s’ils sont administrés uniquement lorsque le clinicien soupçonne l’usage de substances illicites.
Interprétation des tests de dépistage de drogues dans l’urine
Les diagnostics et les décisions thérapeutiques doivent être fondés sur une évaluation minutieuse parce que le résultat d’un seul test de dépistage peut induire en erreur. En soi, un résultat inattendu ne suffit pas pour porter un diagnostic de trouble lié à l’usage d’opioïdes ni pour déterminer que le patient n’observe pas le traitement qui lui a été prescrit.
Par exemple, l’absence d’une ordonnance d’opioïdes ne signifie pas nécessairement que le patient en obtient par détournement. Il pourrait s’agir d’un faux résultat négatif; le patient pourrait avoir manqué de médicament au cours des jours précédant le test ou il n’a peut-être pas pris sa médication et ne veut pas vous l’avouer.
Il est possible également que le test de dépistage de drogues dans l’urine ne permette pas de détecter les opioïdes en question. Par exemple, le résultat d’un test de dépistage d’opioïdes pourrait être négatif chez un patient qui a ingéré du fentanyl.
Pour interpréter correctement les résultats des tests de dépistage, les cliniciens doivent comprendre les voies métaboliques ainsi que la sensibilité, la spécificité, les valeurs prédictives positives et négatives et les limitations des tests de dépistage de drogues dans l’urine (CAMH, 2021). Tenez compte des facteurs suivants lorsque vous interprétez les résultats de ces tests sur le plan clinique :
- principes analytiques, avantages et limitations des méthodologies des tests de dépistage de drogues;
- paramètres des différents immunoessais : type d’essai, seuils et données sur la réactivité croisée;
- métabolites de drogues comme marqueurs de l’usage de substances : métabolites majeurs ou mineurs, profils d’excrétion, fenêtres de détection;
- causes éventuelles des résultats incohérents, anormaux ou inattendus des tests de dépistage de drogues dans l’urine;
- nouvelles tendances en matière de drogues illicites (nouvelles substances psychoactives) et capacité de dépistage en laboratoire;
- techniques de falsification, leur incidence sur les résultats des tests et mode d’utilisation des tests de validité des échantillons pour réduire au minimum et dépister la falsification.
Le Centre for Effective Practice (2018b - PDF download) fournit des lignes directrices sur l’interprétation des résultats des tests de dépistage de drogues dans l’urine en fonction de ces facteurs.