Le texte « Usage d’opioïdes et troubles liés à l’usage d’opioïdes » a été tiré et adapté de Primary Care Addiction Toolkit, en 2023. Publié en ligne seulement.
Quand diminuer graduellement la dose d’opioïdes
Le Centre for Effective Practice (2017, 2018d) décrit les protocoles de surveillance et de diminution graduelle de la dose d’opioïdes. Il recommande d’évaluer les bienfaits et les risques d’un traitement opioïde continu au moins tous les trois mois. La diminution graduelle de la dose d’opioïdes est indiquée dans les situations suivantes :
- Les opioïdes n’atténuent pas la douleur et n’améliorent pas la capacité fonctionnelle du patient :
- le patient continue de ressentir une douleur sévère malgré l’essai de deux ou trois opioïdes différents;
- le patient n’a observé aucune amélioration de sa capacité fonctionnelle ou de sa qualité de vie.
- Les effets secondaires l’emportent sur les bienfaits des opioïdes :
- surdose ou signes avant-coureurs (p. ex. sédation, confusion, trouble de l’élocution);
- complications d’ordre médical (p. ex. apnée du sommeil, hyperalgie, humeur dépressive);
- autres effets secondaires intolérables ou altérant la capacité fonctionnelle.
- Il existe certains signes d’un trouble lié à l’usage d’opioïdes : Le patient affiche des comportements aberrants persistants liés aux médicaments, malgré des ajustements de la dose et des intervalles de distribution raisonnables (p. ex. détournement des médicaments, modification de la voie d’administration des opioïdes, obtention d’opioïdes de sources multiples).
Précautions à prendre concernant la diminution graduelle de la dose d’opioïdes des patients externes
- Grossesse : Un sevrage d’opioïdes aigu et sévère a été associé à des issues de grossesse indésirables telles qu’une fausse couche et un travail prématuré.
- Troubles médicaux et psychiatriques instables pouvant être aggravés par l’anxiété : Le sevrage d’opioïdes n’a aucune conséquence médicale grave, mais il peut s’avérer une source considérable d’anxiété et d’insomnie.
- Dépendance à des opioïdes obtenus auprès de multiples prescripteurs ou de revendeurs de rue : La diminution graduelle de la dose des patients externes échouera vraisemblablement si ces derniers obtiennent régulièrement des opioïdes d’autres sources. Ces patients doivent être aiguillés vers un traitement par agonistes opioïdes (p. ex. méthadone, buprénorphine). [VANESSA, LINK TO OPIOÏDES USE DISORDER TREATMENT SECTION]
- Usage concomitant de médicaments : Évitez les hypnosédatifs, plus particulièrement les benzodiazépines, pendant la période de diminution de la dose parce que le risque d’usage non médical est plus élevé pendant cette période.
Protocole de diminution de la dose d’opioïdes
Les prestataires de soins primaires peuvent utiliser le gabarit de diminution de la dose d’opioïdes (Opioid Tapering Template) élaboré par le Centre for Effective Practice (2018d) pour aider les patients en douleur à réduire leur dose d’opioïdes d’une manière sécuritaire et efficace.
Avant d’amorcer la période de diminution de la dose
- Expliquez au patient pourquoi il est indiqué de diminuer la dose et insistez sur le fait que cela a pour but de faire en sorte qu’il se sente mieux en atténuant sa douleur et en améliorant son humeur et sa capacité fonctionnelle.
- Assurez-vous que les attentes du patient sont claires concernant la diminution de la dose. Expliquez au patient que des symptômes de sevrage peuvent survenir et que la douleur peut s’aggraver pendant une brève période après la diminution de la dose, mais que sa douleur pourrait diminuer une fois que son état se sera stabilisé avec la dose réduite.
- Déterminez la formule d’opioïdes à utiliser, la posologie et le calendrier de diminution de la dose.
- Assurez fréquemment un suivi auprès du patient (p. ex. à des intervalles de une à quatre semaines).
- Adaptez la fréquence, l’intensité et la durée de la diminution de la dose, en fonction de la réponse du patient (p. ex. douleur, capacité fonctionnelle, symptômes de sevrage).
- Traitez la douleur et les problèmes liés à la capacité fonctionnelle avec des médicaments non opioïdes (voir l’outil intitulé Management of Chronic Non Cancer Pain).
- Traitez les symptômes de sevrage au besoin.
- Réduisez la dose graduellement jusqu’à l’atteinte de la plus faible dose efficace possible.
- Conservez la même posologie quotidienne le plus longtemps possible (p. ex. trois fois par jour).
Élaboration d’un calendrier de diminution de la dose
- Établissez une fréquence de diminution de la dose en fonction de l’état de santé, des préférences et des troubles comorbides du patient. La fréquence doit être personnalisée selon les besoins de chaque patient.
- Diminuez la dose lentement. Une diminution de 5 à 10 % à des intervalles de deux à quatre semaines est appropriée dans la plupart des cas.
- Tenez compte du fait qu’une diminution plus rapide de la dose échelonnée sur une période de deux à trois semaines provoquera vraisemblablement des symptômes de sevrage sévères (p. ex. diminution de 10 % de la dose quotidienne totale tous les jours) et qu’il vaut mieux adopter un tel protocole dans une clinique de sevrage sous supervision médicale.
- Diminuez plus lentement la dose des patients qui sont anxieux à propos de ce protocole, qui sont psychologiquement dépendants des opioïdes, qui présentent des troubles cardiorespiratoires comorbides ou qui préfèrent cette approche.
- Maintenez la dose au besoin. Elle doit être maintenue ou augmentée si le patient éprouve des symptômes de sevrage sévères, si la douleur s’intensifie ou si son humeur s’assombrit considérablement ou encore si sa capacité fonctionnelle se détériore pendant la période de diminution de la dose.
Remplacement d’un opioïde par un autre pour diminuer graduellement la dose
Il existe d’autres moyens de diminuer graduellement la dose d’opioïdes ou d’abandonner le traitement complètement. Mentionnons entre autres le remplacement d’un opioïde par un autre tel que la morphine orale à libération prolongée ou par un agoniste opioïde tel que la buprénorphine ou la naloxone, avant d’amorcer la diminution graduelle de la dose.
Pour remplacer un opioïde par de la morphine, adoptez les stratégies décrites dans le document intitulé Opioid Manager, élaboré par le Centre for Effective Practice (2017) :
- calculez la dose en équivalent morphine (voir le tableau de conversion dans le document Opioid Manager);
- diminuez la dose de 25 à 50 % de cette dose équivalente (la tolérance croisée entre opioïdes est incomplète);
- augmentez ou diminuez la dose au besoin de manière à soulager les symptômes de sevrage sans provoquer de sédation.
Pour remplacer un opioïde par de la buprénorphine ou de la naloxone, reportez-vous à la section B2 du document intitulé Traitement par agonistes opioïdes : synthèse des lignes directrices canadiennes sur le traitement du trouble lié à l’usage d’opioïdes, élaboré par le Centre de toxicomanie et de santé mentale (2021). Consultez un expert en prescription de buprénorphine-naloxone si vous connaissez mal cette formule.
Surveillance pendant la diminution graduelle de la dose
Soyez disposé à accorder des consultations de suivi et à offrir du counseling de soutien fréquemment (p. ex. une fois par intervalle de une à quatre semaines).
Lors de chaque consultation, informez-vous auprès du patient sur l’intensité de sa douleur et la qualité de sa capacité fonctionnelle et de ses activités générales, sur ses éventuels symptômes de sevrage et sur les bienfaits possibles d’une diminution graduelle de la dose tels que le soulagement de la douleur et l’amélioration de l’humeur, du niveau d’énergie et de la vigilance. La diminution graduelle de la dose peut provoquer une période de douleur causée par le sevrage, qui ne doit pas être considérée comme une preuve de l’efficacité des opioïdes pour la prise en charge de la douleur.
Évaluez l’humeur et le degré d’anxiété des patients qui ont des antécédents de ces troubles à l’aide du Questionnaire sur la santé du patient [PHQ-9] et du Questionnaire d'appréciation des symptômes d'anxiété (GAD‑7).
Si le patient présente des signes de trouble lié à l’usage d’opioïdes au cours de la diminution graduelle de la dose, parlez-lui de la possibilité de l’aiguiller vers un traitement par agonistes opioïdes.
Période de diminution graduelle de la dose
- La diminution graduelle de la dose peut habituellement s’échelonner sur une période de deux semaines à quatre mois. Les patients qui prennent des doses élevées d’opioïdes pour une douleur chronique pourraient avoir besoin de plus de temps.
- Les patients qui sont incapables d’abandonner complètement le traitement opioïde au moyen d’une diminution graduelle de leur dose pourraient prendre une faible dose d’entretien si leur humeur et leur capacité fonctionnelle s’améliorent et s’ils ne semblent pas présenter de trouble lié à l’usage d’opioïdes.
Pour en savoir plus sur la diminution graduelle de la dose d’opioïdes et sur le remplacement d’opioïdes par d’autres opioïdes, et pour consulter des tableaux de conversion des doses d’opioïdes, consultez le document intitulé Opioid Manager élaboré par le Centre for Effective Practice (2017).