Le texte « Usage d’opioïdes et troubles liés à l’usage d’opioïdes » a été tiré et adapté de Primary Care Addiction Toolkit, en 2023. Publié en ligne seulement.
Importance de la prise en charge du sevrage d’opioïdes
La prise en charge du sevrage constitue une première étape essentielle du traitement d’un trouble lié à l’usage d’opioïdes. Les patients présentant un trouble lié à l’usage d’opioïdes et une forte dépendance physique continuent souvent d’utiliser des opioïdes, surtout pour éviter les symptômes de sevrage. Cette façon de faire comporte un risque élevé de surdose et de mort.
Caractéristiques cliniques du sevrage d’opioïdes
Le sevrage d’opioïdes survient lorsqu’une personne cesse de prendre des opioïdes ou diminue considérablement leur usage après en avoir fait un usage excessif et prolongé. Il peut également survenir lorsqu’un antagoniste opioïde est administré après une période d’usage d’opioïdes. Le sevrage d’opioïdes comporte une foule de signes et de symptômes contraires aux effets aigus des agonistes, notamment :
- des symptômes pseudogrippaux : nausées ou vomissements, diarrhée, myalgies, sudation, horripilation ou dilatation pupillaire, larmoiement ou rhinorrhée, bâillements, fièvre et insomnie;
- des symptômes psychologiques : dysphorie, envies impérieuses, irritabilité, agitation, nervosité;
- d’autres symptômes physiques : tachycardie, hausse de la tension artérielle.
Durée et sévérité du sevrage d’opioïdes
L’apparition des symptômes de sevrage est liée à la demi-vie de l’opioïde en question (American Society of Addiction Medicine [ASAM], 2020). Dans le cas des opioïdes à action brève, ils se manifestent de six à 12 heures après la dernière prise d’opioïdes, atteignent leur plus haut degré de sévérité en l’espace de 24 à 48 heures et se résorbent en trois à cinq jours. Dans le cas des opioïdes à action prolongée, tels que la méthadone, les symptômes de sevrage apparaissent dans un délai de deux à quatre jours suivant la dernière prise d’opioïdes et peuvent persister pendant 10 jours. Les envies impérieuses, l’insomnie et la dysphorie peuvent durer pendant des semaines, voire des mois.
Les échelles d’évaluation des symptômes de sevrage d’opioïdes peuvent aider à diagnostiquer la sévérité du sevrage et à surveiller la réponse des symptômes à la prise en charge clinique. La Clinical Opiate Withdrawal Scale (COWS) (Échelle d’évaluation clinique des symptômes de sevrage d’opioïdes) constitue l’outil le plus couramment utilisé pour évaluer 11 signes et symptômes du sevrage d’opioïdes.
Risques liés au sevrage d’opioïdes
Contrairement au sevrage d’alcool, le sevrage d’opioïdes ne met pas la vie en danger ni n’engendre pas des crises d’épilepsie, des arythmies, une psychose ou des délires. Cependant, il pose d’autres risques importants.
- Le sevrage d’un usage modéré à sévère d’opioïdes chez des personnes enceintes pose un risque de fausse couche (au premier trimestre) ou encore de travail prématuré et de décès fœtal intra-utérin (troisième trimestre).
- Les nourrissons nés d’une personne physiquement dépendante des opioïdes sont à risque d’un sevrage néonatal. La sévérité du syndrome d’abstinence néonatale ou du syndrome de sevrage néonatal d’opioïdes est liée au moment de la dernière exposition aux opioïdes et du type d’opioïdes utilisés, ainsi qu’au métabolisme du parent et du nourrisson.
- Les personnes qui subissent un sevrage d’opioïdes sont à risque de suicide et de surdose. La dysphorie liée au sevrage d’opioïdes expose le patient au risque de suicide pendant le sevrage, particulièrement s’il est soudain, non traité et imposé (p. ex. dans les établissements correctionnels) et si le patient ne peut accéder à des opioïdes pour soulager ses symptômes de sevrage. Ce risque touche particulièrement les personnes qui ont des troubles mentaux instables.
- Les symptômes de sevrage peuvent comprendre des envies impérieuses pouvant mener à une rechute de l’usage d’opioïdes.
- En raison d’une perte de tolérance, les patients qui ont subi un sevrage d’opioïdes présentent un risque élevé de surdose et de décès par surdose si elles rechutent et reprennent leur dose antérieure après une courte période d’abstinence.
Stratégies pour la prise en charge du sevrage d’opioïdes
Le sevrage d’opioïdes exige habituellement la prise de mesures de soutien (hydratation et nutrition adéquates, environnement sécuritaire et rassurance) et un traitement pharmacologique. Il existe deux options pharmacologiques : les agonistes alpha-2 adrénergiques et les agonistes opioïdes (ASAM, 2020; Miller et al., 2018).
Prise en charge du sevrage à l’aide d’agonistes alpha-2 adrénergiques
Combinés à des médicaments d’appoint, les agonistes alpha-2 adrénergiques (p. ex. la clonidine) atténuent les symptômes de sevrage comme le larmoiement, la rhinorrhée, les myalgies et les troubles gastro-intestinaux. La clonidine diminue les symptômes d’un sevrage sévère et améliore l’observance. La plupart des protocoles suggèrent d’utiliser des doses orales de clonidine de 0,1 à 0,3 mg toutes les quatre à six heures. Il faut utiliser la clonidine avec prudence, car elle comporte un risque d’hypotension. Les médicaments d’appoint peuvent atténuer certains symptômes de sevrage. Ils comprennent le lopéramide pour la diarrhée, l’acétaminophène ou des anti-inflammatoires non stéroïdiens pour les myalgies et la diphénhydramine pour les nausées et les vomissements.
Prise en charge du sevrage à l’aide d’agonistes opioïdes
La prise en charge du sevrage à l’aide d’agonistes opioïdes consiste à utiliser de la méthadone ou de la buprénorphine pour atténuer les symptômes de sevrage et pour engager les patients à l’égard de leurs soins. Cette approche consiste à augmenter graduellement la dose de méthadone ou de buprénorphine pour supprimer les symptômes de sevrage, puis à la diminuer lentement. Il existe peu de données probantes sur la durée de la diminution graduelle des agonistes opioïdes, mais les soins peuvent être personnalisés pour tenir compte des besoins et de la situation de chaque patient.
Efficacité et innocuité de la prise en charge du sevrage
La méthadone et la buprénorphine sont plus efficaces que la clonidine pour atténuer les symptômes de sevrage d’opioïdes et pour favoriser l’observance. La buprénorphine est aussi efficace que la méthadone pour diminuer la sévérité du sevrage, pour améliorer l’observance et pour maintenir l’abstinence d’opioïdes.
La prise en charge du sevrage sans un traitement continu est déconseillée en raison du risque de rechute, de surdose et de décès par surdose. La norme de soins consiste à assurer un traitement de substitution par agoniste opioïde ainsi qu’un traitement psychosocial concomitant.
La prise en charge du sevrage est déconseillée en période de grossesse. Il est recommandé d’offrir un traitement d’entretien à la méthadone ou à la buprénorphine dans le cadre d’un programme de traitement global intégré (p. ex. les programmes du Toronto Centre for Substance Use in Pregnancy au St. Joseph’s Health Centre, de la clinique Sheway ou de l’unité de soins combinés FIR Square, à Vancouver).
Pour en savoir plus sur les protocoles de prise en charge du sevrage, consultez les lignes directrices ASAM National Practice Guideline for the Treatment of Opioid Use Disorder.